Le retour à domicile d’une personne LIS

Les hôpitaux, cliniques et MAS ne sont pas conçus pour que des personnes handicapées victimes du LIS y fassent de longs séjours.
Le retour à domicile est devenu la moins mauvaise solution.
Encore faut-il être bien informé pour le préparer dans les meilleures conditions et le vivre sans trop de stress. Voici comment le retour chez elle de Valérie Bezard s’est effectué et les enseignements qu’il est possible d’en tirer sans vouloir trop généraliser : les modalités de fonctionnement des organismes concernés diffèrent plus ou moins d’un département à l’autre.
Trois mois après son accident vasculaire cérébral survenu en août 2007, ma fille, Valérie Bezard, a été acceptée à l’hôpital Maritime de Berck. Après quelques mois de séjour, l’assistante sociale de l’hôpital a été chargée de l’orienter vers une maison d’accueil spécialisée (MAS) et son dossier adressé à une dizaine d’entre elles situées au sud-est de la région parisienne.
Deux nous ont invités à reprendre contact dans plusieurs mois, ce qui fut fait sans succès, les autres nous informaient qu’elles n’étaient pas en mesure de la recevoir.

Au bout d’une année passée à Berck, nous avons réussi à faire admettre Valérie à la clinique du Pont de Sèvres qui venait de s’ouvrir à Boulogne-Billancourt (92). Bien vite, la clinique nous a demandé de rechercher une MAS, ce que nous avons tenté à plusieurs reprises, sans plus de succès.
Après un entretien avec notre conseillère habituelle, Mme Blandin, le retour au domicile de Valérie à Montreuil-sous-Bois nous a semblé la solution la plus appropriée, à la fois pour les conditions de vie « chez-soi » et les possibilités de rééducation : à la clinique elles diminuaient au fil du temps. Nous avons alors établi, avec l’indispensable concours de l’assistante sociale de la clinique, le lourd dossier de la Maison des personnes handicapées (MDPH), organisme du conseil général de Seine-Saint-Denis.
La mise en état de l’appartement de Valérie pour recevoir une personne handicapée a impliqué un examen sur place, en présence de son père et tuteur, effectué par l’ergothérapeute de la clinique, un architecte rompu à ce type d’intervention, et, successivement, deux entreprises chargées chacune d’établir un devis. L’immeuble respectant les normes d’accessibilité pour les handicapés, ces travaux concernaient essentiellement la salle de bain. Le devis de chacune des deux entreprises a complété le dossier qui a été posté à la MDPH le 5 août 2011.

La MDPH a donné son accord préalable sur ce projet au mois de février 2012 et nous avons aussitôt fait effectuer les travaux d’aménagement du logement par l’entreprise sélectionnée. Ils étaient terminés le 30 avril 2012. La MDPH en était informée, recevait la facture des travaux que nous avions réglée et pouvait finaliser l’accord préalable.

Nous avons alors sollicité le concours de la MDPH de Seine-Saint-Denis pour nous assister dans la recherche des auxiliaires de vie (le 24h sur 24), et du personnel médical et faire assurer le contrôle des travaux par leur ergothérapeute. Ce fut sans succès. En effet, le rôle de la MDPH est presque uniquement, ce que nous ignorions, l’attribution des crédits qui permettent aux handicapés de vivre à leur domicile.

Nous ignorions aussi qu’il existe un organisme, l’Hospitalisation à domicile (HAD), chargé de suivre les patients de longue durée lors de leur retour chez eux pendant le temps nécessaire à la mise en place et la formation de l’ensemble des personnels d’accompagnement. C’est l’assistante sociale de l’hôpital Raymond Poincaré de Garches, où Valérie effectuait un séjour d’un mois afin d’établir un protocole de soins destiné au nouveau personnel médical, qui nous en a informés quelques jours avant notre transfert à Montreuil. Ce fut un grand soulagement… Elle nous a aidés également pour la recherche du médecin traitant, de la kinésithérapeute et de l’orthophoniste en utilisant sur internet le répertoire Pages jaunes.

Travaux terminés et réceptionnés par l’architecte, lit médicalisé, lève personne, aspirateur de mucosités et couchage pour l’auxiliaire de vie de nuit installés, grand ménage et rangement effectués, le retour se déroulait à la date prévue, le 5 juillet 2012.

L’arrivée de Valérie chez elle ne se présenta pas comme elle le pensait : son domicile où se trouvaient déjà l’auxiliaire de vie de jour, l’infirmière et une aide-soignante HAD était ensuite envahi successivement par les différents livreurs : médicaments, pacs d’alimentation, alèses et couches (très encombrant, les protections) et petits matériels médicaux. J’avais prévu meubles et places pour le rangement, mais j’étais loin du compte d’autant que tout ce monde se comportait comme en terrain conquis et prenait les emplacements les plus commodes pour se débarrasser de leurs colis. Valérie, qui s’imaginait heureuse de retrouver son « chez-soi », était plutôt dans un hall de gare lors des grands départs. Arrivée vers 16h, il lui fallut attendre 20h30 lors de la prise de service de l’auxiliaire de vie chargée de l’accompagnement nocturne pour disposer d’un peu de tranquillité. Les parents de Valérie, qui pourtant ne se doutaient pas d’une telle désorganisation, avaient prévu de loger chez Valérie durant quelques jours : c’était un bon choix.

Les semaines suivantes ne furent guère plus calmes :

  • formation progressive des quatre auxiliaires de vie dont la charge d’activités très diversifiées ne sera bien assimilée qu’après quelques semaines de pratique (la cadre Vitalliance, surchargée, n’est pas en mesure de venir les guider),
  • visite des infirmières, infirmiers, aides-soignantes et aides-soignants de l’HAD qui ne sont jamais les mêmes et qui doivent s’acclimater plus ou moins rapidement sans que personne n’assure la coordination,
  • poursuite de l’aménagement de la salle d’eau et de la chambre de Valérie pour installer des rangements plus appropriés.

Heureusement, docteure, kiné et orthophoniste se révèlent non seulement d’excellentes professionnelles, mais savent également créer avec Valérie des relations de confiance et d’échange. Ce sera aussi le cas avec trois des quatre auxiliaires de vie et la majorité des personnels HAD. Valérie et ses parents se chargeront du mieux qu’ils le peuvent de la coordination de l’activité de ces divers intervenants et tenteront de guider les auxiliaires de vie… sans les froisser, ce qui n’est pas évident.

L’assistante sociale de HAD, remarquable, nous a mis rapidement en contact avec le Service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH) dont nous ignorions l’existence. Ce service appartient à l’association Centre d’orientation sociale (COS) qui, sous différentes formes, existe dans tous les départements. Sa mission est de permettre à toute personne en situation de handicap moteur de vivre à domicile dans les meilleures conditions possibles. SAMSAH dispose d’une équipe pluridisciplinaire « qui permet à la personne de construire un projet cohérent en adéquation avec ses besoins en respectant son projet de vie.? » Depuis, SAMSAH assure à Valérie un soutien efficace avec son assistante sociale, son ergothérapeute, ses aides médico psychologiques et sa psychomotricienne. De plus, elle se charge des délicates relations avec la MDPH ! Nous ne remercierons jamais assez l’équipe SAMSAH.

Après plus d’un an, Valérie commence à se sentir un peu chez elle. Kiné et orthophoniste ont su pratiquer une rééducation qui génère des progrès dans la gestion de la mobilité de sa tête et des mouvements des muscles de son visage et de sa bouche, ce qui est indispensable pour retrouver lentement l’usage de la parole et déguster en petite quantité des aliments plus variés. Elle redécouvre ainsi le plaisir de manger tout en améliorant ses facultés de déglutition. Cette progression permet d’envisager à terme la suppression de sa canule et la possibilité de reparler. Nous nous astreignions à ne pas enregistrer d’autres prévisions : chaque patient LIS est unique, les statistiques sont celles de l’affection, pas de ceux et celles qui la subissent.

Hormis le fait que nous n’avons toujours pas déniché une psychologue qui accepte de se déplacer ou dont le lieu d’exercice est accessible par la personne handicapée, le seul souci à signaler sur le plan médical depuis que Valérie se trouve chez elle vient des problèmes causés par une sonde d’alimentation stomacale déficiente. Ils ont occasionné, puisque les médecins ne se déplacent plus en dehors de leurs rendez-vous externes, une série de transferts successifs aux Urgences de l’hôpital de Montreuil. Après des attentes très longues et la montée du stress correspondant, la sonde est enfin changée, ce qui s’exécute en dix minutes. Mais il est posé à chaque fois une sonde urinaire qui ne tient pas plus d’un mois : la pharmacie de l’hôpital ne dispose pas de sondes stomacales ?! Il a fallu changer d’hôpital pour enfin poser une sonde appropriée.

Les visites périodiques concernant la vue et la dentition s’effectuent régulièrement à l’hôpital Pitié-Salpêtrière pas très éloigné de Montreuil. Nous y recherchons actuellement un médecin ORL.

Les auxiliaires de vie sont plus disponibles que l’étaient les aides-soignantes de l’hôpital ou de la clinique pour des échanges ou aider leur patiente dans ses activités, ses loisirs, etc. Chargées de tâches multiples et très diversifiées, leur rôle est complexe, leur formation bien légère par rapport à la fonction, leur rémunération pas à la hauteur de ce qui est demandé.
Difficile d’être à la fois majordome, aide-soignante, lectrice, technicien de surface, comptable, etc. Elles sont placées sous l’autorité de leur employeur, Vitalliance, puisque nous avons choisi le mode prestataire. Mais la cadre dont elles dépendent ne peut effectuer que de très rares et courtes tournées pour les rencontrer sur leur lieu de travail et les guider.
Donc, personne handicapée et son entourage sont conduits à gérer une situation complexe nécessitant doigté et patience alors qu’ils ont bien d’autres préoccupations. L’aide des proches, ou, à défaut, d’une assistante sociale et d’un tuteur, demeure essentielle et indispensable pour une patiente qui ne communique qu’avec le regard et qui a un besoin vital de s’exprimer.

La mission de la HAD se termine. Un cabinet infirmier va lui succéder prochainement et, pour la toilette, les auxiliaires de vie auront un renfort de deux heures fourni par Vitalliance chaque matin grâce aux crédits accordés par la MDPH. Valérie sera un peu plus chez-elle où son grand désir est d’arriver dans quelque temps à s’y retrouver seule, au moins pour quelques heures chaque jour.

Gérard Bezard – Montreuil, le 2 octobre 2013

COS : www.cos-asso.org
SAMSAH : www.samsah-savs.fr