Aujourd’hui, c’est avec Internet que je m’évade..

La vie m’avait beaucoup donné.
Des envies, des joies, des peines… Elle m’a tout repris, et même plus encore.
S’il y a un prix à payer pour les erreurs que j’ai pu commettre, je le paye bien trop cher.
Dans ma vie de valide, je m’évadais avec ma moto, une Honda 750.

Aujourd’hui, c’est avec Internet que je m’évade.

Il ne me reste que ce monde virtuel pour évoluer.
Pour un Lis, il y a plus de vécu, il y a de la vie autour de lui. Mais lui, c’est par la procuration qu’il vit.
Bien sûr, on peut toujours dire qu’il y a plus malheureux que soi. Mais ce n’est pas une consolation. Dans ces cas, on est égoïste.
On se demande : pourquoi le bon Dieu m’a-t-il choisi ?
Dans bon Dieu, l’adjectif « bon » a-t-il réellement sa place devant Dieu ?

J’ai la chance de toujours avoir affaire à des auxiliaires de vie sympathiques.
Je pense que dans ce métier, il faut aimer les gens. Car parfois, elles ont affaire à des personnes dont le comportement, faute à la maladie, a changé. Il y a même des patients qui quelquefois sont violents.
Le métier d’auxiliaire de vie devrait être plus reconnu et mieux rémunéré. Mais il faudrait revoir tout le principe de la tierce personne. Une augmentation permettrait de payer les auxiliaires de vie plus avantageusement. Et je pourrais plus les solliciter. J’en ai pour exemple de mettre une veste pour sortir, ou pour
aller me promener. Il m’arrive de rester chez moi, alors que si on m’aidait à enfiler une veste, je pourrais plus profiter de l’extérieur.
Plus on avance dans la vie, plus on veut faire du maintien à domicile. Dans la mesure du possible, c’est une bonne chose, à condition que les problèmes financiers ne viennent pas compliquer le bon déroulement de la démarche.

Comme pour parler, j’ai toujours eu l’impression de bien m’exprimer. Je n’imaginais pas que quand je m’adressais à une personne, celle-ci ne me comprenait pas. Un jour Carole a eu l’idée d’enregistrer ma voix sur un magnétophone, ensuite de me la faire écouter.
Bien sûr, à mon tour je n’avais rien compris à ce que je disais car il me manquait du souffle pour finir mes phrases. Une paralysie partielle de la langue et de mes joues, faisait que mes fragments de phrases étaient mal articulés.
Bien qu’aujourd’hui mon souffle progresse, j’ai appris à faire des phrases courtes, ou à les couper afin de rependre du souffle pour les finir. Et ainsi mes mots sont un peu mieux articulés. Cette progression je la dois au professionnalisme de l’orthophoniste Marie L.
Aujourd’hui on trouve une légère différence entre les mots, ga ou gan, a, an, on.
Et bien d’autres mots. Comme AGRA, AGRU, AGROU.
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Ca a l’air idiot au premier abord, mais il fallait faire rouler les R. Ces vocalises, par manque de souffle, ne laissaient pas entendre la différence des sons. Et afin de favoriser l’excitation du larynx, Marie L me faisait répéter plusieurs séries de mots tels : KRA , KRO , KRI , KRU , KROU , KRAK , KRIK , KROK , KRUK , KROUK , KREK.
GRA , GRO , GRI , GRU , GROU , GRE , AKRA , AKRI , AKRO , AKRU , AKROU.
Comme le son d’une sonnette, faire vibrer la luette le plus longtemps possible, drrrrrrrring. Ce serait pour moi une grande victoire si un jour, à mon cerveau, il lui viendrait la folle envie de laisser mes poumons se remplir d’air. Il me semble qu’avec ce phénomène, les mots seraient un peu mieux articulés. Sous l’effet d’une plus forte expiration, mes cordes vocales seraient plus sollicitées.
Mais je dois me contenter de ce peu de souffle, avec tous les inconvénients et les risques qui vont avec.

Bernard Raynaud
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