TEMOIGNAGE d’Arnaud Prunaret

« Nous devions aider Arnaud à faire le deuil de sa vie d’avant, nous aussi d’ailleurs »
C’est le message d’Annick et Michel, parents d’Arnaud, atteint du LIS depuis près de 25 ans. À 44 ans, paralysé à 90 % et ne communiquant que par clignements de paupières, Arnaud fait preuve, comme sa famille, d’un positivisme remarquable malgré un parcours de soins difficile.
Le « bug de l’an 2000 » n’a pas eu lieu… sauf pour Arnaud. Le 7 janvier 2000, à 20 ans, ce futur ingénieur en informatique est victime d’une rupture d’anévrisme. Quelques jours de coma, puis le diagnostic tombe : locked-in syndrome. Ironie du sort, quelques mois plus tôt, Annick avait lu Le Scaphandre et le Papillon. Et quand les médecins annoncent que le cerveau d’Arnaud fonctionne mais que son corps ne répond plus, elle comprend immédiatement. « À partir de là, notre nouvelle vie a commencé », dit-elle.
Un livre se ferme, un autre s’ouvre…
Pendant 5 ans, Annick et Michel font chaque week-end les 400 km qui séparent Paris du Mans (aller-retour) pour visiter Arnaud dans le centre de rééducation où ils ont réussi, non sans mal, à le faire admettre.
« Après le choc, il fallait avancer, pour lui, pour nous, pour son frère qui n’avait que 17 ans à l’époque », raconte Michel. Malgré les démarches complexes, les coûts importants et leur travail à maintenir, ils tiennent bon. Annick se souvient avec émotion du soutien de son employeur, qui lui a même offert un chauffeur pour visiter son fils chaque midi à l’hôpital.
Un manque de formation des professionnels de santé
Au Mans, les progrès d’Arnaud sont lents, mais réels, grâce à une rééducation intensive et un accompagnement psychologique précieux. « Il a d’abord refusé tout contact », se souvient Michel. « Le choix du centre visait pourtant à maintenir un lien social. Contrairement à ce qu’ont pu penser certaines personnes, nous ne l’abandonnions pas mais nous devions aider Arnaud à faire le deuil de sa vie d’avant, nous aussi d’ailleurs. Ça a pris du temps, il a fallu être patients ».
La patience… maitre-mot associé au LIS : pour les proches, les patients mais aussi les soignants.
« Le locked-in syndrome est trop méconnu et les équipes ont dû apprendre en accompagnant Arnaud. Il reste un grand manque de formation », déplore Annick.
Peu à peu, Arnaud retrouve le goût de vivre, stimulé par des défis quotidiens. Objectif : développer chez lui un sentiment d’utilité. L’homme qui a appris à communiquer en clignant des paupières pour épeler les mots fait ainsi bientôt office de « hotline » du centre, en aidant à résoudre les bugs des jeux électroniques.
Redonner espoir, transmettre et s’engager
En 2004, Arnaud rejoint un établissement à Paris, puis en 2018, la MAS Perce-Neige à Boulogne-Billancourt fondée en collaboration avec ALIS, un lieu unique en Europe pour les personnes atteintes du LIS ou de tétraplégie sévère. « Nous sommes fiers d’avoir contribué à son aménagement en faisant part de notre vécu, nos expériences, nos attentes et nos conseils », confient Annick et Michel.
Aujourd’hui très investis auprès d’ALIS, ils témoignent et soutiennent d’autres familles :
« ALIS nous a tant aidés, c’est à notre tour de transmettre. »
Quant à Arnaud, il continue d’impressionner : un slam écrit par lui a ému toute la communauté. « Arnaud a besoin d’être stimulé intellectuellement. Il est capable de réfléchir autant, voire davantage qu’une personne valide. Il le démontrera peut-être lors d’un prochain tournoi d’échecs, lui qui se passionne actuellement pour cette discipline », ambitionne sa mère…
Extrait d’une interview recueillie par la journaliste Ariane Warlin pour le magazine « La voix des patients » que nous remercions ici