Chroniques des personnes LIS pendant le confinement
Les membres d’ALIS témoignent de leur vie dans cette période particulière, tous les jours nous mettrons en ligne un nouveau témoignage ; vous pouvez aussi les recevoir en direct par email en adressant une demande d’inscription à [email protected]
Isabelle, vit dans le sud de la France dans un environnement campagnard. Des professionnels l’accompagnent et effectuent pour elle les gestes qu’elle ne peut plus faire – Ces proches ne vivent pas avec elle – Isabelle est atteinte du LIS depuis plus de 20 ans – elle écrit le texte qui suit avec une tablette à commande oculaire.
« Bonjour,
Voici ma réflexion profonde sur ce confinement.
Vous voyez, quand on est LIS, le confinement on le vit finalement quotidiennement depuis le jour de notre AVC. On est déjà enfermé dans notre corps et privé de pas mal de choses : marcher, courir, parler, chanter, mais aussi : manger et boire seul, se laver, aller aux toilettes quand on en a besoin, se moucher, se gratter et tous les gestes que chacun fait si inconsciemment et qui sont pourtant si importants : se lever du fauteuil quand on a mal aux fesses, croiser ou décroiser ses jambes, bouger dans son lit et tant d’autres choses…
Ce nouveau confinement vient s’ ajouter à une liste de privations déjà très longue pour nous ; alors une de plus ou de moins … ce qui impressionne et qui fait peur c’est son caractère « catastrophe planétaire » inédit.
Mais bon, on va pas se laisser démolir une seconde fois !
Il faut continuer à croire que ça va s’arranger. Rester confiant et apprécier les si belles choses que la nature nous offre.
Malgré tout, la vie reste belle ! Malgré ces privations qui nous sont imposées. Nous guérirons de certaines, mais pas de toutes…
Moi qui suis très croyante, je n’ai pas peur ; j’accepte, je vis au jour le jour, et je sais qu’un jour je serai libérée de tout ça ; en attendant, je vis du mieux que je peux et j’essaye de partager mes quelques idées sur la chose.
J’espère avoir apporté quelque chose avec ce témoignage.
Toutes mes meilleures pensées vous accompagnent. »
Isabelle
Julio vit en région parisienne. Des professionnels l’accompagnent et effectuent pour lui tous les gestes qu’il ne peut plus faire. Julio est atteint du LIS depuis plus de 20 ans – Il écrit avec un ordinateur dont il émule la souris avec le mouvement de sa tête et un clavier virtuel à l’écran.
« Bonjour,
Personnellement, je ne vis pas trop mal ce confinement même si je ne vais plus chez mon kiné, faire tranquillement mes courses ni me promener sous le beau soleil que nous avons depuis quelques jours.
Après il faut relativiser, je suis chez moi et mes auxiliaires de vie viennent quotidiennement m’apporter l’aide dont j’ai besoin, je les remercie d’ailleurs car sans elles ce serait autrement plus compliqué. Alors même si je suis enfermé et ne sort qu’une fois par semaine faire mes courses au pas de trot, je n’ai pas vraiment à me plaindre. Je suis bien conscient de la gravité de la situation d’autant plus que en tant que personne LIS, j’ai une très petite capacité respiratoire et si j’attrape cette saloperie, il y a de fortes chances que j’y passe avant même qu’on ait le temps de me mettre sous respirateur. Ce n’est pas que j’ai particulièrement peur de mourir mais je reconnais que ça m’embêterait un peu tout de même, alors j’essaye de l’éviter. Quant aux visites de la famille ou amis je n’ai pas besoin qu’on les interdise car cela tombe sous le sens. »
Julio
Mme V., mère de Denis atteint du LIS depuis 12 ans . Il vit à domicile avec ses proches.
« Bonjour,
Au sujet du confinement, pour moi il n’y a pas trop de changements.
Mais je suis stressée plus par la maladie et je m’inquiète pour mes proches et pour moi.
Je me tiens informée en permanence.
En ce qui concerne le passage des aides-soignantes aucun changement.
Pour les auxiliaires de vie tout se passe au mieux.
L’infirmière continue ses passages 2 fois par semaine.
La kiné intervenant également dans des EHPAD a préféré suspendre ses visites pour le moment.
En tant que mère de Denis je surveille à chaque passage que les intervenants soient bien en possession de masques, de gants et que tout les gestes barrières soient respectés.
Je ne sors pas de mon domicile car en plus du travail que l’auxiliaire de vie effectue auprès de mon fils elle me soulage beaucoup en me faisant mes courses ce qui m’évite de ce fait de sortir de chez moi.
De plus le SAMSAH nous téléphone régulièrement afin de s’assurer que tout se passe bien et nous a par ailleurs donné un numéro de téléphone d’urgence.
Comme vous le voyez à l’heure actuelle, tout se déroule au mieux pour nous.
J’espère qu’il en est de même pour les autres personnes atteintes de la même pathologie.
Je vous remercie également pour toute l’aide que vous nous apportez et sachant que l’on peut compter sur vous si le besoin s’en fait sentir.
Bien cordialement, bon courage à vous tous.
Dans l’espoir de voir bientôt ce virus vaincu. »
Madame V. mère de Denis
Annick, atteinte du LIS depuis 29 ans – vit à domicile sans famille avec des professionnels – était mère au foyer.
« Bonjour,
Effectivement, le confinement à beaucoup modifié mes habitudes de vie. Depuis dix jours, je ne pratique plus ma peinture trois fois par semaine (peinture avec un pinceau dans la bouche car je peux rebouger ma tête) et cette activité me manque. Cette occupation est un échappatoire du quotidien qui me permet d’être concentrée sur autre chose que ma maladie.
Je ne peux plus sortir accompagnée pour faire mes courses sur le marché alors que j’avais beaucoup de plaisir à faire cette sortie une à deux fois par semaine auprès des commerçants que je suis depuis quatre ans et qui connaissent mes habitudes alimentaires. Concernant les interventions à mon domicile, je suis désormais entourée de femmes ou d’hommes masqués-es, gantés-es, « blousés-es » qui me donnent l’impression d’être une pestiférée.
Vivement la fin de ce confinement pour retrouver mes bonnes vieilles habitudes car si je pète un câble ça risque de mal finir. »
Annick
Isabelle – sa mère est atteinte du LIS depuis 7 ans – elle vit avec elle à domicile – l’âge de sa maman ne permet pas qu’elle bénéficie de la prestation de compensation du handicap qui finance les aides humaines, d’où sa remarque à ce sujet dans son récit.
« Bonjour,
J’ai annulé tous les auxiliaires de vie. Je ne sors même plus pour les courses parce que je sais que ma mère est trop fragile en cas de contagion et surtout, je sais très bien que si elle est contaminée , elle ne sera pas soignée du tout. C’est donc une amie qui me fait mes courses une fois par semaine. J’ai toujours un infirmier et un kiné qui passe tous les jours (et un kiné respi, 3 fois par semaine).
Toutes mes solutions pour avoir du répit cet été ont été abandonnées (j’attendais des réponses dans des hôpitaux et tout le monde m’a répondu non, car ils ont besoin de leurs lits et je le comprends tout à fait).
Mais, pour moi, ce qui est le plus dur à vivre, c’est que j’ai perdu tout espoir de pouvoir me reposer cette année.
En résumé : Le confinement me rajoute les toilettes à faire et du ménage (car je n’ai plus d’auxiliaires du tout) et bloque toutes les possibilités de répit.
Pour l’instant, ça va ! J’arrive à bosser et je tiens le coup… ça ne change pas grand chose pour nous, car on est tout le temps enfermées.
J’essaye d’endurer ça en me disant que je fais des économies d’auxiliaires en ce moment et que je pourrai donc utiliser cet argent plus tard pour sortir un peu plus !
Bonne journée ! »
Isabelle
Madame G.. son fils Christophe, atteint du LIS depuis 2013, vit dans un établissement.
« Bonjour,
Oui seulement une semaine de passée et bientôt la deuxième. On garde le moral.
Nous restons bien tranquillement à la maison. Je peux faire mes commissions ce n’est pas loin de chez nous. C’est au Foyer à P on est interdit d’aller le voir ce qui est normal on s’occupe très bien de lui. Le personnel est très bien. Elles ont du travail et beaucoup de mérite.
Avec C on communique par sms et il répond avec son ordinateur ça l’aide beaucoup.
Il a des nouvelles de toute la famille.
Ce qui nous manque c’est de ne pas pouvoir aller le voir.
Mais pour la santé de tout le monde surtout pour nos handicapés qui sont plus fragiles, il faut rester à la maison.
Prenez soin de vous.
Bien amicalement »
Madame G.
Raynald – atteint du LIS depuis 6 ans – vit à domicile sans ses proches – accompagné par des professionnels.
« Bonjour,
Le confinement ne change pas grand chose à cette époque de l’année. En effet je suis confiné de mon propre chef de novembre à mai. Je ne sors qu’aux beaux jours. C’est sur qu’il ne faudrait pas que cette situation déborde sur juin vu que je vis que pour le soleil. Mais pour l’instant j’ai la chance et cela me suffit de pouvoir profiter du soleil derrière mes carreaux. Il fait encore trop froid pour moi dehors, et au cas où, j’ai l’opportunité de sortir un peu sur ma terrasse.
Sinon j’ai été dérangé par la fermeture de la poste ayant un recommandé à expédier mais c’était un moindre mal car je réussis avec l’aide du SAMSAH (équipe mobile) à l’envoyer en ligne dans le cadre du télétravail pour le SAMSAH.
Ce qui me dérange le plus c’est la bêtise des gens.
En effet, je ne peux ni manger ni boire, j’ai quand même quelques courses à faire : sopalin, mouchoir, papier hygiénique, pour ne citer que le principal. Je fais généralement un drive tous les deux mois et je prends donc en quantité suffisante. Justement ces trois produits se retrouvent indisponibles lorsque je veux passer ma commande habituelle
Les auxiliaires de vie et ide portent un masque.
L’ambiance reste inchangée
Je n’ai pas de visite de mes enfants en ce moment mais je suis un peu un vieux loup solitaire de caractère, on se SMS plus souvent et voilà.
C’est tout ce que je vois à dire
Je ne stresse pas d’attraper.
Je respecte le confinement mais je m’interroge sur quelques chiffres : 10000 décès par la grippe, 40000 à cause de l’alcool, 150000 à cause de cancer et tout ça par an rien qu’en France. Et à l’heure actuelle 1100 à cause du corona.
Pourquoi une telle dépense de moyens et d’énergie n’est pas pour le reste ? »
Raynald
S. – atteinte du LIS depuis 5 ans – vit dans un établissement medico social – était technicienne PAO dans l’industrie textile.
« Salut,
Tu voudrais des témoignages du confinement. Si nécessaire, voici le mien si tu veux.
D’abord ça fait déjà quinze jours que je suis enfermée et ça commence à être long on ne voit plus les bénévoles d’ALIS.
On ne voit que des masques. C’est pour nous protéger mais ça me stresse !
Le personnel est très dévoué. Je les vois chaque jour et même la direction.
Il me manque la liberté j’ai subi une double peine… j’ai déjà échoué dans un fauteuil et maintenant confinée. J’ai hâte un peu comme tout le monde que tout se termine.
Nous n’avons plus d’exercices et l’inactivité me fait grossir bientôt le lit sera trop petit ;))
Bisous. »
S.
G – atteint du LIS depuis 20 ans – vit à domicile avec son épouse
« Bonjour,
Je suis confiné, mais comme j’habite une maison avec un jardin aménagé, je ne me plains pas !
Pour ceux qui le peuvent, je leur conseillerai de lire « Les animaux malades de la peste » de La Fontaine.
Cordialement. »
G.
Cordialement. »B.
I. – atteinte du LIS depuis 10 ans – vit à domicile sans ses proches accompagnée de professionnels
« Bonjour,
Finalement, si on regarde bien je ne suis pas en activité professionnelle, donc je ne suis pas obligée d’aller travailler comme les soignants ou bien d’autres professions indispensables ; je ne suis pas non plus amenée à faire du télétravail car je n’ai pas d’obligations professionnelles à rendre ; je n’ai pas de compagnon à aimer ou à désaimer et je n’ai pas d’enfants qui pourraient mettre ma patience à rude épreuve !
Alors finalement, le confinement pourrait presque faire partie de mes journées quotidiennes, et bien non croyez-moi !
On peut être sur un fauteuil roulant, sans travail, sans compagnon de vie, sans enfants et vivre le confinement difficilement comme tout à chacun.
Plus de sorties, plus de rencontres, plus de kiné, plus d’orthophoniste en « vrai « , le fameux compagnon inexistant remplacé par des auxiliaires de vie omniprésents et qui tournent en rond.
Après quelques explications de base, mon auxiliaire a remplacé mon kiné afin de me permettre de rester en mouvement, les séances d’orthophonie se font dorénavant par Skype et j’essaie de garder le lien essentiel avec mes proches.
Avec mes troubles d’élocution, le téléphone était ma bête noire, aujourd’hui, il est devenu mon meilleur ami.
Ce confinement permet aussi de se recentrer sur l’essentiel et de faire apparaître ce qu’il peut y avoir de meilleur chez l’homme.
La maladie m’a permis de vivre ce sentiment. Le confinement le généralise.
J’essaie d’être chaque jour, respectueuse des soignants en restant chez moi ; j’essaie d’être chaque jour pleine de bonne humeur et de dynamisme pour aider et accompagner les auxiliaires qui sont auprès de moi.
J’essaie chaque soir de taper dans ma casserole (je ne peux pas applaudir) pour rendre hommage à tous ceux qui sont là pour nous, pour vous.
J’essaie chaque jour de me dire que ce qui ne tue pas rend plus fort et que c’est ensemble que nous nous en sortirons.
Nous n’avons jamais été aussi séparés, nous n’avons jamais été aussi rapprochés. »
I.
V. – atteinte du LIS depuis 2004 – vit à domicile sans famille avec des professionnels – était secrétaire médicale.
« Bonjour,
En ce qui me concerne, pour moi qui suis habituée à sortir tous les jours, je pense que je vivrais beaucoup plus mal ce confinement si je n’avais pas de jardin.
De plus j’ai mes auxiliaires de vie qui viennent tous les jours.
Pour les courses, je m’arrange avec elles (quand elles vont pour elles, elles prennent pour moi en même temps) ce qui fait que je ne sors pas.
Aujourd’hui je vais juste aller à la boite à lettre et à la banque qui se trouvent au bout de ma rue, histoire de changer un peu !
Par contre tous les professionnels de santé (kinés, orthophoniste, ergothérapeute) que j’ai habituellement ne viennent plus.
A bientôt. »
V.
S.– atteinte du LIS depuis 2018 – vit à domicile avec son mari.
» Bonjour,
C’est plus facile de vivre enterrée car les autres ne sont plus là pour me juger.
Mon mari s’est transformé en orthophoniste et en kiné et nous passons plus de temps pour ces labeurs exécutés. Du coup les journées sont plus laborieuses que ce qu’elles étaient. Nous avons même pris un rendez-vous via les caméras interposées avec mon ortho que nous avions nous-mêmes choisie. Elle a dit oui à un entretien programmé comme cela je pourrai continuer de progresser.
La maison est devenue, bien malgré elle, le terrain de ma progression sans que nous ayons choisi cet endroit pour exercer. Ma foi, nous sommes satisfaits des résultats engendrés et nous vivons très bien ce confinement forcé. Nous espérons que mes confrères arrivent tout de même à travailler.
Bon courage à tous. »
S.
Message de P., époux, aidant familial à temps plein en cette période.
« Bonjour,
Me concernant, afin de préserver Sandrine, j’ai arrêté toutes les interventions bien avant la mise en place des mesures de confinement. J’ai donc pris le relais dans tous les secteurs d’activité et ça ne me pose pas plus de problème que ça. Je fais du sport dans la maison et je cuisine.
Sandrine, quant à elle, a repris l’écriture en évoquant ces derniers mois d’enfermement. Elle se bat et poursuit ses progrès puisqu’elle commence à parler tout doucement et sa motricité se renforce peu à peu lui ayant permis d’être verticalisée pendant les séances de kiné. Cette dernière comme la phôniatre consultée en février demeurent très optimistes pour son retour.
Juste après, pour info et pour les personnes qui seraient intéressées, le lien vers le livre à la vente de Sandrine qu’elle a achevé quelques jours avant son accident.
https://www.librinova.com/
Bon courage à tous.
Bien amicalement. »
P.
I. dont le mari est atteint depuis 2017 – il est encore hospitalisé.
« Bonjour,
Je vais me faire interprète pour Martial, mon mari Locking syndrome complet depuis 2017 trachéotomisé ; il a avec juste un petit mouvement de l’index gauche en extension.
Martial est en centre de rééducation depuis deux années à présent. Il est confiné dans sa chambre depuis deux semaines ; et cela fait trois semaines que les familles n’ont plus accès aux services et aux chambres.
Le centre a été très réactif dès les premières recommandations de l’ARS, agence régionale de santé. Cinq jours par semaine Martial voit l’équipe du plateau technique qui est spécialement dédié pour son unité kiné respi et mobilisation, ergo : une heure pour lire et écrire ses mails quand le logiciel et le doigt sont en état de fonctionner et la psychologue pour lancer la visio environ 30 mn par jour ; ces professionnels se relaient pour la continuité de ses soins ; c’est aussi auprès de d’eux que je me informe de son état de santé . L’équipe soignante semble quant à elle complète. Le week-end, les éducateurs du club se relaient pour mettre en place la visio.
Ce qui manque à Martial le plus c’est de voir sa famille, la séparation est douloureuse, il est inquiet pour nous. Il se dit satisfait des soins, même s’il doit faire face à de nouveaux soignants qui ne connaissent pas ses habitudes et ses installations… cela lui procure des angoisses. Malgré toutes les attentions de l’équipe de soins Martial n’a pas de système d’appel, ni de tablette. Impossible de prévenir l’équipe si un inconfort survient !
La visio, c’est fantastique cela nous permet de se voir ! Voir la famille, sortir quelques minutes de cet enfermement ! Ce que je regrette moi c’est de ne plus avoir l’équipe soignante au téléphone pour faire un point de temps en temps sur l’état clinique de Martial qui reste très fragile. Cet échange me permettait aussi d’être le porte-parole de Martial.
Pour moi c’est un crève-cœur ! J’avais l’habitude de voir mon mari tous les jours, j’ai inventé un système et nous jouons au UNO comme avant ! Ce confinement est très difficile à vivre loin des siens, et sûrement encore plus pour tous ceux qui sont coupés de leur liberté ! Les liens par les séances de visio quotidiennes permettent à Martial d’être moins seul dans son scaphandre.
Soyez fort, c’est une épreuve que nous allons vaincre ensemble ! Prenez soins de vous ! »
I.
T – atteint du LIS en 2016 – vit sans ses proches à domicile – accompagné par des professionnels.
« Bonjour,
Ce confinement ça m’a pas changé grand-chose car je ne sors pas beaucoup déjà. Pourquoi je ne sors pas beaucoup ?
1- Ici en Bretagne il pleut trop souvent et le temps n’est pas beau .
2- Comme je n’arrive plus à parler je suis toujours connecté avec mon ordinateur, ça me permet de communiquer avec ma famille, mes enfants et mes amis, aussi ça me permet de faire plein d’autres choses.
Ne pas sortir en hiver ici en Bretagne ce n’est pas trop grave. Bien sûr que c’est stressant de pas pouvoir voir ses enfants ça famille et … En ce moment de l’épidémie je ne vois que mes infirmiers et mes auxiliaires fixes et personnes d’autres. »
T.
N – épouse de P atteint du LIS depuis – il est toujours hospitalisé.
» Bonjour à tous,
Souhaitant que le virus n’ait pas touché vous et vos proches, je venais, si c’est possible, vous faire part du témoignage de mon époux Philippe vivant en établissement.
Lorsque j’ai demandé à mon époux Philippe, résident dans un établissement, ce qui était difficile à supporter durant ce confinement, sa réponse a été spontanée.
« Je suis confiné depuis le premier jour de mon AVC. Ça va faire huit années en mai. Ce qui me manque le plus c’est toi. Le reste ne change pas… et mes oreillettes, je n’entends plus ce que le personnel me dit (ses aides auditives sont en panne) et avec les masques je ne peux pas lire sur les lèvres et le commercial ne peut pas venir (le commercial des aides auditives). »
Avec Philippe on se voit par Skype deux fois par semaine. J’ai hâte de le retrouver et de le serrer dans mes bras. »
N.
Maryannick atteinte du LIS en 1984, vit à domicile.
« Bonjour,
Confinée, je le suis comme tout le monde.
Confinée, dans mon propre corps, je le suis depuis 36 ans, n’ayant que peu de mouvements, parlant avec difficulté comme quelques centaines de personnes LIS en France, ayant constamment besoin d’assistance ne serait-ce que pour chasser une mouche. C’est l’occasion pour moi de dire MERCI, moi qui suis toujours en position de dire « s’il te plaît »…
– MERCI à ceux qui m’ont prise en charge depuis le début, les professeurs, celui qui restait pendant de longues minutes immobile, dubitatif, devant mon lit. Je ne le voyais pas mais je sentais sa présence, les médecins, les infirmières, les aides-soignants qui se réfugiaient dans ma chambre pour une crise de fou-rire, les kinés, les ergos, les malades ….. 31 mois d’hôpital vous font voir la vie autrement.
– MERCI à ceux qui m’ont accompagnée, à ceux qui m’accompagnent aujourd’hui, les exigences restent les mêmes, le réseau social s’est élargi, a pris des formes insoupçonnées, mais la détermination des uns et des autres reste la même. Je souhaite du courage à tous les intervenants, du professionnalisme, de l’humanité.
Et je leur dis : S’IL TE PLAIT, garde vivantes les motivations qui t’ont poussé à embrasser une carrière généreuse ; que la sédation ne soit pas une solution facile ; que les demandes d’euthanasie soient vues comme des appels au secours face à la peur et auxquelles il faut répondre avec un regain d’affection et de chaleur humaine ; que ta fatigue ne t’amène pas à prendre des décisions définitives… comme cette surveillante qui profitant d’un long week-end m’a débranchée en avril 1984… sans doute mon désir de vivre a-t-il été plus fort que sa compassion.
Dernièrement l’un des professeurs qui m’a prise en charge au début de mon handicap m’a dit : « Maryannick, notre souci n’était pas de te guérir mais de t’empêcher de mourir ». Ma vie est ce qu’elle est, mais c’est ma vie. Toute vie mérite d’être vécue. »
Maryannick – Chevalier à la Légion d’Honneur – Commandeur Ordre national du Mérite
Carole, atteinte du LIS en 2005.
« Bonjour à tous,
Je m’appelle Carole et je vis dans une MAS (Maison d’Accueil Spécialisée) dans le Finistère et atteinte du LIS depuis bientôt 15 ans.
Je ne surprendrais personne je pense, en disant qu’on se sent déjà bien confiné dans notre corps toute l’année mais là c’est l’apothéose !
J’ai la chance de pouvoir me déplacer en fauteuil électrique et là mes déplacements autorisés se limitent aux 30 m2 de la chambre (slalomer entre les meubles, ça peut remplacer le sport quotidien préconisé à la télévision mais c’est un peu dangereux !). On est confiné depuis plus longtemps que les autres car fin février on était déjà enfermés.
Je ne parle plus mais j’adore communiquer, voir des gens et participer à diverses activités (piscine, boccia-pétanque adaptée – rencontres avec les écoles, les mairies…). Bref en plus des amis et de la famille, des 30 résidents de la MAS et du personnel (environ 60) j’avais réussi à recréer un semblant de vie sociale !
Aujourd’hui seule dans ma chambre ; je vois 2 soignants 45 mn le matin à la toilette et 15 mn au coucher le changement… c’est un peu « raide ».
L’éloignement familial et amical est de plus en plus difficile à accepter car les mails quoique quotidiens ne remplacent pas une visite.
J’ai la chance d’être bien équipée, j’ai une belle télévision, Netflix et un ordinateur ce qui fait qu’en attendant la fin je vis comme une adolescente ! Je mange, je joue et je mate des séries. Pourvu qu’on sorte vite ! »
Carole
Claudine vit à domicile avec son époux atteint du LIS depuis 2007.
» Bonjour à tous,
Pour mon mari Alain… le confinement ne change rien. A part pour le sport à la TV.
Sinon l’infirmière, l’aide-soignante passent tous les jours comme avant mais en respectant les mesures avec des masques et des gants et blouses, ainsi que la kiné qui vient trois jours par semaine comme avant.
Par contre je n’ai plus l’aide d’une auxiliaire de vie qui vient tous les jours ; elle vient seulement un matin tous les quinze jours pour que je puisse aller faire les courses. Donc c’est moi qui aide tous les jours le personnel soignant à la maison. Donc pas de repos…
En espérant des jours meilleurs, je vous souhaite à tous une bonne journée et bon courage.
Amicalement. »
Claudine
M., époux de Myriam, atteinte du LIS en 2013.
« Bonjour à tous,
Pour nous ça va, il faut prendre son mal en patience. Nous sommes en confinement complet avec un de nos enfants.
Je suis en télétravail et j’essaie de m’occuper de Myriam entre 2 séances. Nous avons suspendu toutes les interventions extérieures pour l’instant. Les auxiliaires de vie toute la journée et les aides-soignantes le matin. Les séances de Kiné et d’orthophonie sont également suspendues.
Notre fille nous fait des bons petits plats.
Nous avons également la chance d’avoir un jardin. Les jours de soleil, c’est bien agréable et rend surement le confinement plus supportable. Ça m’occupe également bien le WE, j’avais plutôt laissé aller l’entretien depuis quelques années, pendant les travaux d’adaptation progressive de la maison au handicap (3 tranches de travaux 2015, 2016 et 2018). J’avais repris un peu le jardin l’année dernière, mais il en reste à faire… le confinement peut encore durer quelques WE. Comme à son habitude Myriam dirige et surveille l’avancement.
Prenez tous bien soin de vous. »
M.
Isabelle, atteinte du LIS depuis 1997, vit à domicile sans ses proches, accompagnée par des professionnels.
» Bonjour à tous,
Voici mon tout dernier poème ; je voudrais que vous le diffusiez sur vos réseaux, je ne sais pas le faire … Si les gens pouvaient prendre un peu plus conscience de tout ça …
Je vous embrasse.
Isabelle
Sur l’air de « les copains d’abord » de Georges Brassens
Et maintenant, grâce aux Chinois, on doit faire face au Corona,
Les pangolins, les chauves-souris laissez-les en vie,
Mangeons plutôt végétarien, ça nous fera le plus grand bien,
Les animaux sont nos amis, ils veulent vivre aussi.
Fichons la paix à cette Terre, qui nous accueille les bras ouverts,
Si la nature gronde aujourd’hui, c’est qu’il y a un gros souci.
Revenons à de vraies valeurs, celles qui viennent du fond du cœur,
Et respectons ces biens précieux, nous avons besoin d’eux.
Ecoutez battre son cœur d’or, on l’entend de moins en moins fort,
La Terre se meurt d’être asphyxiée, détruite et polluée,
Et le réchauffement climatique, c’est comme une bombe atomique,
Trouvez vite des solutions, sinon not’ compte est bon.
Si l’homme périt aujourd’hui, par grosse fièvre et asphyxie,
N’est-ce-pas là, enfin si j’ose, juste retour des choses ?
Symptômes ma foi similaires à ceux infligés à la Terre,
Stoppez donc toutes pollutions, c’est la seule solution.
Et pour sauver notre planète, mettez-vous bien çà dans la tête,
La Terre peut bien sans nous tourner, et la nature s’éveiller,
Mais par quel miracle, dites-moi, pourrions- nous vivre sans tout ça ?
Sans elles, nous serions tous perdus, sans elles, nous sommes fichus. »
Isabelle.
Écouter le texte d’Isabelle interprété ici par Les Goguettes :
M M. époux de Nadine, atteinte du LIS en 2018, vivent à domicile.
« Bonjour,
Je vous adresse ce petit message pour vous donner des nouvelles de mon épouse Nadine.
Tout d’abord je m’excuse de ne pas avoir donné de nouvelles plutôt mais en fait c’est comme tout… on y pense et puis on oublie… c’est comme la chanson :-))
Ceci étant mon épouse se porte bien. Elle est sortie définitivement du centre de rééducation de Kerpape un peu avant Noël 2019 pour un retour permanent à la maison.
Étant en retraite je peux m’en occuper en permanence. Son état s’est également amélioré même s’il cela ne lui suffit pas Elle n’a plus de trachéotomie, on vient de lui enlever son bouton Mickey il y a 3 semaines. Elle mange quasi normalement et boit à la paille. Elle retrouve la parole et parle de mieux en mieux. Elle a toujours malheureusement une hémiplégie côté gauche. Avant le confinement elle avait 3 séances de kinésithérapie et autant de orthophonie. Bien sûr depuis le confinement plus rien. Elle ne quitte plus la maison et on a même supprimé le passage des infirmières pour éviter tout risque.
Elle s’occupe comme elle peut avec beaucoup de lecture, de l’écriture (elle écrit son histoire depuis l’accident avec son ressenti au jour le jour).
Voilà en vous souhaitant une bonne journée.
Faites attention à vous !. »
MM.
Gilles, atteint du LIS depuis 7 ans, vit à domicile avec sa famille et avec l’accompagnement de professionnels.
« Bonjour,
J’ai écrit ce texte pour tous ceux qui pourraient perdre courage.
Ça fait sept ans que je suis en quarantaine.
Suite à un AVC je me trouve handicapé à 90 %.
Du jour au lendemain je me suis vu privé de tout ce qui fait les plaisirs de la vie : serrer dans ses bras ses proches, parler, manger, bouger. Ne plus pouvoir courir, nager, chanter, etc. C’est parfois difficile. Mais j’ai décidé de ne pas m’apitoyer. Ca ne sert à rien. La situation actuelle est certes difficile mais il faut relativiser, prendre ses distances. Personnellement j’ai appris ce que le mot « patient » veut dire !
Si vous saviez comme j’aimerais ne serait-ce que lever la main ou plier la jambe ou me tourner dans mon lit ! Chaque jour cependant j’apprécie la vie, voir mes proches, communiquer, même si c’est laborieux, avec mon entourage, contempler le renouveau de la nature. Comme dit Souchon « ma vie ne vaut rien mais rien ne vaut la vie « .
J’occupe mon temps en écoutant la radio (merci France Inter et FIP). Je consomme beaucoup de télé également. On a la chance de vivre dans un pays bien équipé et les sources d’information, de culture, de divertissement ne manquent pas et j’en profite avec bonheur.
J’essaie aussi d’écrire grâce à un logiciel adapté. Je ne sais pas si c’est dû à la maladie ou à l’âge mais j’éprouve le besoin de mettre par écrit trois ou quatre choses que j’ai en tête. En France on a un avis sur tout et surtout un avis, disait un ministre. Cette quarantaine est peut-être l’occasion de préciser sa pensée ou tout simplement de raconter quelque souvenir ou anecdote personnelle.
Aujourd’hui âgé de 68 ans, je commence à regarder dans le rétro et je regrette de n’avoir pas tenu un journal ou quelque chose pour retrouver certains souvenirs : beaucoup se sont altérés ou ont disparu. Écrire c’est allonger la vie c’est aussi faire la nique à la mort. »
Gilles de Cintré, près de Rennes
Céline atteinte du LIS depuis 2007, vit avec sa compagne à domicile.
« Bonjour,
Pour nous, tout se passe bien… au moins pas de condamnation de ce maudit virus pour l’instant.
Bien entourée par ma compagne et les auxiliaires de vie qui continuent à être présentes avec des consignes. Une fois par semaine, j’ai la visite d’une kiné. Et je ne sors pas.
Oui, j’ai de la chance par rapport à d’autres d’être avec ma compagne.
Bon courage pour ceux qui sont isolés de leur famille.
Soyez très prudents. »
Céline
Isabelle, atteinte en 1997 vit à domicile accompagnée de professionnels
Elle nous avait déjà adressé un texte sur une musique de Georges Brassens ;
elle écrit : Le Monde va mal
Sur l’air de « Comme ils disent » de Charles Aznavour.
« Y’ a des dégâts sur la planète,
On n’est pas vraiment à la fête, c’est l’hécatombe ;
Les hommes meurent par milliers,
La pandémie va-t-elle gagner ? Elle nous inonde.
Certains se battent jour et nuit,
Pour soigner, pour sauver des vies, c’est héroïque ;
D’autres s’activent chaque jour,
Pour que nos vies suivent leurs cours, et soient pratiques.
Mais sommes-nous assez conscients,
Du «confortable» confinement, qu’il nous faut suivre ?
D’autres ont la vie bien plus précaire,
Manger et dormir, quelle galère ! Faut juste survivre.
Nos préoccupations premières,
Si décalées semblent légères, et moins vitales,
Quand la moitié de l’humanité,
Cherche seulement à subsister, et crève la dalle.
Loin de tout débat politique,
Ne serait-il pas plus logique et bien plus sage,
De donner et distribuer,
Toutes les richesses, l’argent, le blé, un vrai partage ?
Mais l’homme est-il vraiment capable
De faire des parts équitables, sans faire d’histoires ?
Rien n’est moins sûr, çà, je l’admets,
Faire du profit , ça le connaît , c’est pas la gloire ;
Mais pour sauver la belle Terre,
Ce gros effort est nécessaire, on pourra parler de Victoire … »
Isabelle
Philippe, atteint du LIS en 1986, vit à domicile avec son épouse.
« Bonjour,
Par où commencer ?
Je me suis retrouvé dans beaucoup des témoignages précédents…
Marié depuis 37 ans et confiné totalement dans mon corps depuis 34 ans comme LIS complet, il est vrai que cette situation inédite ne change pas grand chose pour moi.
Ma grosse déception en tout début de confinement c’est que Bruno mon fils et sa compagne qui habitent dans la région bordelaise (950 km de chez nous) avaient prévu de venir nous voir par surprise et que cela n’a pas pu se faire…
D’un point de vue humain c’est tout de même un peu difficile de ne presque plus voir ceux qu’on aime, mais il faut faire sans…
Ce qui a eu le plus de conséquences ces dernières années, c’est que j’ai été victime d’un infarctus il y a 4 ans et que depuis je suis très fatigable…
J’ai aussi des périodes où j’ai du mal à exprimer mes pensées et cela est dû à un taux de sodium trop bas, une des conséquences de l’infarctus qui a des incidences sur la tension artérielle et sur le bon fonctionnement des reins.
Ceux qui m’ont connu auparavant ne me reconnaîtraient pas ; Béatrice, mon épouse, me traite gentiment de pépère et elle n’a pas tout à fait tort…
J’ai la chance comme d’autres d’habiter une maison de plain pied dans un quartier calme et un environnement bien fleuri et arboré.
Mais malgré cela je n’ai souvent plus envie de sortir ; il faut presque me tirer par les cheveux… mais ça ne marche pas…. car je n’en ai plus ; ou pire me menacer de me priver de ma bière et de mon verre de rosé… Je reconnais que ça fait réfléchir !
Du coup, je vais tout de même sur la terrasse…
Je profite de cet ensoleillement exceptionnel depuis le début du confinement… J’écoute la radio en regardant le jeune chien des voisins faire des bêtises et aboyer après mon chat.
J’habite en Alsace et pire dans le Haut-Rhin là où tout à commencé (la France entière sait maintenant très bien situer cette magnifique région la plus belle de France, si, si, c’est vrai) et malgré le nombre élevé de victimes du virus je continue à avoir des auxiliaires de vie, les infirmières et mon kiné qui a plus de temps qu’auparavant car son cabinet est fermé. Béatrice mon épouse télétravaille et gère ce qui est nécessaire.
On a dû adapter les plannings des auxiliaires de vie car plus de la moitié de l’équipe est en arrêt pour différentes raisons.
Elles viennent toutes masquées, Béatrice fait souvent la queue à la pharmacie afin de ne pas être en rupture de gel hydroalcoolique, mais je n’ai pas peur.
Les auxiliaires présentes ne vont en grande majorité pas dans d’autres familles ce qui limite les risques.
Les infirmières passent chez les patients covid19 ou susceptibles de l’être en fin de tournée.
Au tout début de l’épidémie, j’avais déjà exprimé mes volontés : si jamais je devais être touché, je refuse d’être hospitalisé. J’ai encore suffisamment de lucidité pour savoir que je préfère mourir tranquillement chez moi entouré des miens… Le peu de respirateurs disponibles, je les laisse à ceux qui ont des chances d’avoir une vie normale s’ils sont sauvés… pas comme moi qui ne bouge plus, ne parle plus, ne mange plus et respire par un orifice de trachéotomie. Je ne suis pas dépressif, juste réaliste…
J’ai aussi la chance d’avoir mes petits enfants jumeaux qui ont 8 mois maintenant qui habitent à 950 m à vol d’oiseau de chez nous et qui parfois viennent nous voir lors de leur promenade quotidienne… Ils ne rentrent bien sûr pas dans la maison ; si je suis sur la terrasse ils restent à 2 ou 3 mètres ; si je suis déjà couché, on ouvre les portes fenêtres et ils me font coucou de loin…
Marius et Philippine (ce sont leurs prénoms) ont parfois peur de mes auxiliaires, surtout de Basilisse qui avec sa peau noire et son masque blanc en forme de bec de canard doit être impressionnante pour eux…
Ils commencent tout de même à s’y habituer, mais on rigole bien en voyant l’expression de leurs visages…
Ce qui a changé d’une manière positive pour moi, c’est que tous les dimanches je peux assister à l’office religieux diffusé systématiquement sur Internet depuis le début de l’épidémie…
Auparavant, j’étais relié par voie téléphonique uniquement, là, j’ai l’image et le son !!!
Pour ce qui est de la communion, il faudra attendre la fin du confinement, les prêtres ne passent plus à la maison pour la célébrer, c’est un moindre mal…
C’est juste un peu triste de voir le célébrant presque seul avec un organiste, parfois un chanteur, mais cela doit être encore plus déstabilisant pour lui d’être dans une église vide…
J’aime par contre beaucoup le développement des chorales virtuelles, les moyens techniques c’est tout de même formidable !
Dans l’obscurité la plus complète il y a malgré tout toujours une petite étoile tout là-haut qui est celle de l’espoir et de l’espérance… Ne perdez pas foi ni courage… »
Philippe
« Bonjour,
Je suis Bénédicte, lis depuis fin 2016 à 35 ans, j’habite à domicile avec mon mari et mes deux jeunes enfants. J’étais éducatrice spécialisée.
Le confinement, pour moi quel changement !
En semaine, avant 16h, j’étais bien tranquille. Pas d’enfant ni mari, je restais avec un membre de ma famille (nous n’avons pas de financement pour des aides de vie en Belgique) ou parfois seule. Et là, du jour au lendemain, tout le monde débarque !
Au début, j’ai eu beaucoup de mal. Pour l’adaptation ou encore l’acceptation de ce foutu handicap ?
Mais aujourd’hui, je me réveille chaque jour, heureuse d’être en bonne santé et je profite de mes proches, du jardin, de la maison. Chaque matin, je fais les devoirs avec mon fils.
J’apprends aussi à manipuler ma chaise électrique avec un joystick.
Bref, même si les contacts sociaux me manquent, j’apprécie et je pense aux nombreuses personnes qui sont à l’hôpital sous respirateurs et que je pourrais être l’une d’entre elles, au fond, j’ai de la chance.
Le soir, avec mon mari, on s’écroule. Je ne sais plus ce que c’est Netflix !
Vos témoignages m’ont encouragé à m’exprimer. J’y ai appris plusieurs choses et notamment que ma vie de LIS serait peut-être un jour plus importante que l’autre. Pas de regrets, une constatation que je me suis faite.
Je vous souhaite une santé de fer et un bon confinement. »
Bénédicte
Chers amis d’ALIS,
Vous lecteurs, avaient été nombreux à réagir aux témoignages des personnes atteintes du LIS. Vous nous l’avez fait savoir oralement ou par écrit. C’est le cas du Dr François Danze (chef de service en rééducation à la Fondation Hopale à Berck-sur-Mer) dont voici les propos attentionnés. Son message d’encouragement a motivé les écrivains atteints du LIS à nous réécrire.
Message du Dr François Danze
« Bonjour,
Je lis toujours avec attention vos messages ; Ils ont des contenus parfois extrêmement variables ; chacun exprime une perception singulière de cette situation très particulière que nous connaissons, a fortiori pour les personnes affectées d’un LIS, complet ou partiel (là n’est pas la question).
Cela dépend évidemment de la situation personnelle de chacun ; En tout état de cause, je veux ici témoigner de mon soutien à chacun, personne affectée, proches, entourage médicosocial (quand il existe …) et autres, que j’oublie probablement.
Bon courage à toutes et tous et continuez à envoyer vos messages !
Très cordialement. »
François Danze
Aujourd’hui, c’est un message de Véronique, un coup de gueule plutôt d’ailleurs !
« Bonjour à tous,
Bientôt le « déconfinement » ! Mon œil oui ! Pour pas mal d’irresponsables, il est déjà fait ou en train de se faire. Pour moi le comble de l’irresponsabilité, c’est de ne pas avoir imposé le port du masque en dehors du domicile mais bon… à chacun sa conscience Le problème c’est que ce sont ceux qui le portent qui risquent de « payer » pour ceux qui n’en portent pas .
Sinon moi le confinement, je l’ai plutôt bien vécu et je trouve même que ça a passé vite car je n’ai pas eu le temps de faire tout ce que je voulais faire. J’espère que ce confinement n’aura pas été trop difficile pour vous tous.
A bientôt. »
Véronique
Réponse de Brigitte (mère de C, atteint du LIS) à Véronique L. (atteinte du LIS) qui témoignait hier.
« Bonjour à tous et à toutes,
Entièrement d’accord avec Véronique L. !
C’est une honte… On s’est bien moqué de nous !
Un jour : bleu, un jour : rouge et maintenant, c’est un jour : rouge, ou orange, ou vert !
Le déconfinement ?! Effectivement, pour nos proches, c’est pour quand ? …
Le comble : ils sont, non seulement enfermés dans leur corps, mais ils le sont aussi, dans leur chambre…
Ces irresponsables ne sont pas conscients des dégâts !
Je félicite tous nos amis d’ALIS, pour leur COURAGE, et leur PATIENCE;
A bientôt. »
Brigitte
Témoignage d’Isabelle… parisienne, vit à domicile accompagnée par des professionnels, atteinte du LIS en 2008
« Bonjour,
J’ai été vraiment touchée de voir l’engouement autour de ces témoignages. C’était un moment de plaisir de découvrir chaque jour ces écrits.
Bon courage à tous.
Quelque soit la façon dont vous vivez cette « traversée », qu’elle vous soit la plus sereine possible.
Merci au Docteur Danze de son message.
Amitiés. »
Isabelle
Une autre Isabelle… du Gers, vit à domicile accompagnée par des professionnels
Atteinte du LIS en 1997
Vous avez déjà lu ces chansons parmi les messages récents, retrouvez l’une d’entre-elle chantée par le groupe « Les Goguettes »
Et ci-dessous la dernière écrite…
Poème pour Mamadou, mon petit filleul du Mali,
et tous ceux qui souffrent de la faim sur l’air de
« Je viens du sud » Chimène Badi
« J’ai sur le cœur des images des enfants du Tiers Monde
au désespoir sur les visages, aux prières profondes ;
Regardez-moi s’il vous plaît, je suis là, j’ai rien fait,
j’ai pas demandé à venir, à survivre et souffrir.
Chez vous tous les enfants ont du lait, des gâteaux,
ici je serre les dents, y a tout juste assez d’eau
Ma jeune vie est si fragile, je ne veux pas mourir ,
elle ne tient qu’à un fil, aidez-moi à grandir !
Je suis né au Mali, et comme tous les miens, je suis en sursis
Nous subissons chaque jour la faim et la misère,
Est-ce là tout votre amour ? Ne sommes-nous pas tous des frères ?
Nos vies sont si démunies, quel est notre avenir ?
Devant un enfant sans vie, qu’avez-vous donc à dire ?
Des milliers au quotidien, à naître et à mourir ,
des milliers de petits destins, brisés dans un soupir
Je suis né au Mali, et comme tous les miens, je suis en sursis
Je m’ appelle Mamadou et je suis tout petit
Je n’ai pas eu, comme vous, la chance de naître à l’abri ;
Mon grand espoir aujourd’hui c’est d’aller à l’ école,
et de sourire à la vie, comme un oiseau qui s’envole .
De vous dépend notre destin, un peu d’espoir revient,
des milliers de parrains, nous tendent la main .
Je suis né au Mali, et comme tous les miens, je suis en sursis … »
Isabelle
C – vit dans un établissement – atteinte du LIS en 2014
« Bonjour,
Je me sens comme une pestiférée… la pompe de l’alimentation qui sonne ad aeternam et l’aérosol pendant plus d’une heure avant que quelqu’un vienne intervenir… On m’a même ôté brièvement la main du fauteuil qui permet que je le change de position.
De plus, en isolement, ni douche, ni coiffeur, heureusement nous sommes au printemps ! Pour la prochaine douche, je ne sais pas quand… va falloir un karcher !! »
C.
Mickaël, réside actuellement dans un centre de rééducation.
« Bonjour,
Je m’appelle Mickaël, LIS depuis bientôt 4 ans.
Je voulais partager avec vous un événement qui est pour moi important dans l’évolution de ma maladie et de vie LIS.
Alors voilà depuis presque 4 ans, j’étais installé dans un fauteuil manuel, ce qui incluait que pour chaque déplacement, j’étais dépendant d’une tierce personne, ce qui n’était pas évident pour moi car en plus de la maladie, j’avais tendance à me renfermer sur moi.
Mais je n’étais pas totalement couper du monde et de tous liens sociaux avec l’usage de ma tablette.
Enfin tout ça pour vous dire qu’au bout de presque 4 ans, j’ai enfin mon fauteuil perso électrique sur lequel je suis confortablement installé et surtout que je conduis.
Le fait de conduire, ça me donne un semblant de liberté pour une fois qui me fait un bien fou ! Alors que c’était l’heure du confinement pour les français, pour moi c’était plutôt l’heure du « déconfinement » ; et puis entre nous à part le fait que ma famille me manque, le confinement me faisait ni chaud ni froid, j’y étais toute l’année en confinement.
Je voudrais glisser un mot de remerciement à mes différentes ergos sans qui tout cela n’aurait pas pu se faire alors un grand merci !
Voilà chers amis, je tenais à partager cette expérience avec vous, ce n’est pas tous les jours qu’on a un rayon de soleil dans cette vie de LIS qu’on a pas choisie.
C’est un vrai coup de tonnerre quand ça vous tombe dessus du jour au lendemain, seuls les LIS peuvent se rendre compte par quel passage, on est passé.
Je voudrais finir ce mot en remerciant tout le personnel soignant et autres (kinés, ergos et orthophonistes) qui font en sorte de me rendre le quotidien moins morose. La philosophie de tout ça est quand même que nous sommes toujours sur cette terre alors cette terre… Madame, Monsieur, … Merci d’en prendre soin car ce qui se passe actuellement, ce n’est pas le fruit du hasard. »
Mickaël
Dominique, femme de Gérard, LIS depuis 92, nous publions son message, ainsi que celui de son mari.
« Bonjour,
Cela fait plus de 2 mois que l’on n’a pas pu se voir et c’est bien difficile pour nous deux.
De plus, il y a un mois je suis tombée et me suis cassée la cheville à plusieurs endroits, donc plâtre, broche, rééducation. Je ne suis pas prête de pouvoir reconduire sachant que le centre où est Gérard se trouve à 45km.
Heureusement il y a les mails, le téléphone et WhatsApp.
Gérard subit toutes ses difficultés mais il n’y a pas d’autres solutions. Tout ce qui rendait sa vie « agréable » n’est plus possible…. »
Dominique
« Bonjour à tous,
Je m’appelle Gérard et normalement je suis durant la semaine dans une MAS (Maison d’Accueil Spécialisée) à St Georges/Loire 49 (résidence Yolande de Keepper « fondatrice du Téléthon » et de cette première MAS).
Le week-end, je vais chez moi, où ma femme (excellente cuisinière) me prépare de délicieux mets que je peux déguster par la bouche car ma déglutition fonctionne encore.
Il faut quand même que je vous dise qu’en 1992, j’ai eu un AVC qui m’a foudroyé ; un mois de coma, devenu tétraplégique et muet ; je suis resté 1 semestre alité au C-H-U d’Angers (réanimation), dont plusieurs mois « emmuré vivant » sans que l’on me comprenne. Finalement une kiné a eu l’idée qu’avec une simple feuille de l’alphabet & mes hochements pour acquiescer, le dialogue s’instaurait. Enfin, je pouvais m’exprimer et sortir de mon infernal cocon !
Revenons à ce confinement et à ses conséquences pour moi.
Je n’ai plus le droit de sortir au-delà de 20 m donc impossibilité d’aller aux cinéma, théâtre, supermarché ou de faire une autre activité. Le facteur ne passe plus que le mercredi – jeudi – vendredi, alors les autres journées, les animatrices
n’affichent pas le journal régional. Fini le foot à la TV le vendredi et le dimanche à 21h. Fini les retours à domicile… »
Gérard
Christelle, atteinte du LIS en 1997, vit à domicile accompagnée par des professionnels.
« Bonjour,
Je me suis souvent demandé pourquoi écrire et puis, finalement, l’envie de partager est devenue une chose nécessaire.
Si le confinement a été un peu différent de notre quotidien, il n’en reste pas moins que nous sommes habitués, en tant que LIS, à être seul face à nous-mêmes. Toutefois, le confinement que nous venons de vivre, a été quelque chose qui s’est avéré positif pour moi.
Effectivement, il m’a donné davantage envie d’aller de l’avant. D’allonger ma liste de projets. D’essayer de récupérer plus de mouvements. Ça marche ou ça ne marche pas – on verra bien mais pourquoi ne pas tenter.
Bonne journée. »
Christelle
« Bonjour à tous,
Je suis LIS incomplet depuis novembre 2008 et je vis en Bourgogne en retraite depuis 2015 avec mon mari qui m’est d’une aide précieuse et je suis bien consciente que j’ai beaucoup de chance par rapport à d’autres.
Comme beaucoup le disent dans leur témoignage, ce confinement n’a pas changé grand chose pour nous car je dis souvent que l’on vit confiné depuis 11 ans 1/2 !! Pas de kiné durant 1 mois par prudence mais commençant à sentir le besoin, elle revient à domicile avec un masque. Le matin le SSIAD vient courageusement depuis ce début de pandémie, c’est admirable.
On n’est pas à plaindre car on a un jardin pour s’aérer et le temps a été très beau. On a retrouvé le chant des oiseaux dont un « coucou » que je n’avais pas entendu depuis des années.
Le plus dur c’est de ne plus avoir de visites et de ne plus voir les petits enfants qui habitent à 5 km. Mon mari va enfin pouvoir refaire du vélo pour son équilibre physique et psychologique dont il a bien besoin car être aidant tous les jours de l’année c’est très dur.
Je pense à vous tous et vous souhaite du courage car côté confinement on sait ce que c’est et malheureusement on ne connaîtra pas comme le commun des mortels ce déconfinement du 11 mai tant annoncé par les médias.
Amicalement. »
Brigitte
Nathalie, vit dans une structure medico-sociale
« Angoisses pour l’avenir :
Bonjour,
J’aimerais moi aussi raconter mon ressenti par rapport à cette épidémie.
D’abord précision importante, je suis LIS c’est-à-dire « enfermée dans mon corps » et ce depuis 2002. Concrètement la vie après le LIS ne m’a pas épargnée loin de là, enfin malgré tout, j’ai rebondi car j’aime la vie, rire, pleins de choses me tirent vers le haut et j’adore les défis.
Aussi je me suis reconnue, en partie, dans certains témoignages de l’association ALIS car j’ai aussi beaucoup d’optimisme. Cependant reconnaissez qu’on est déjà « enfermé dans son corps » et que pour nous « protéger » soi-disant la structure dans laquelle je vis, nous confine dans nos chambres depuis le 15 mars pour les repas. En bref, depuis plus de 2 mois, j’ai une vue imprenable sur les 20 M² de ma chambre, super décor, suis couchée à 17H. Et disparus les sourires ou de loin car le masque est de rigueur. Bonjour le bonheur, pratiquement plus contacts car les gants c’est désagréable, bisous et autres gestes d’affection fortement déconseillés. Alors que fait-on concrètement ?
Rien, on vit ici comme des prisonniers dans une cellule appelée « chambre ». Avec un droit de voir 1 à 2 personne(s) toutes les 5 semaines dans une pièce « spécialement aménagée ». Là encore plus stressant limite détestable…
Aujourd’hui, avec du recul le déconfinement sera plus pénible à vivre car personne ne peut vraiment se projeter. Toutes ses « mesures barrières » c’est glauque : on a vraiment l’impression que « c’est la fin du monde » et je trouve que c’est angoissant.
Tout le monde se fait une joie de revoir ses proches et ami(e)s mais exit le ‘p’tit bisou’ qu’avant on me faisait sur le front. Tu as un gâteau, un bonbon voire un bon repas devant toi mais t’as pas le droit d’y toucher, c’est comme si on était dans un manège et le forain ne mettait pas « le pompon » … Génial, tu tournes mais concrètement quand s’arrête-t-on ??? Quand revit-on « normalement » car faudra bien y arriver ?
Voilà ! Loin de moi la volonté de vous faire peur ou de vous angoisser et malheureusement, comme vous tous et toutes, je n’ai pas la solution : pas de pouvoirs magiques sinon je ne serais pas tétraplégique et muette. C’est simplement mon ressenti.
Sur ce, courage à vous tous et toutes ! »
Nathalie près de ROUEN.
Isabelle, atteinte du LIS en 1997 à 31 ans – vit à domicile uniquement accompagnée par des professionnels – elle met à profit son imagination féconde pour l’écriture de chanson revisitée – Toutes ces chansons sont retranscrites sur le site d’ALIS – Vous pouvez la retrouver sur ce témoignage
Chanson du LIS ( Locked In Syndrome )
sur l’air de » la javanaise » S.Gainsbourg
« J’avoue avoir besoin de vous, mes amis,
que vaut ma pauvre vie sans vous, aujourd’hui ?
Sans pouvoir rien faire,
je suis mal barrée, quelle galère !
Mais j’ai pas le choix,
faut accepter tout çà.
Souvent la vie vacille en nous, voyez-vous,
vivants mais invalides à vie, sommes nous,
des muscles atones,
mais nous avons tous nos neurones,
et pour vous parler,
nos yeux vont juste cligner.
Levés, lavés, servis, soignés, par vos soins,
voilà la vie que nous avons au quotidien,
cette dépendance
pèse lourd dans la balance,
plus d’ intimité,
la pudeur au grenier.
Voilà nos rêves envolés, pour la vie,
mais des nouveaux vont voir la vie, c’est écrit
malgré les blessures,
enfermés dans notre armure,
au fil des années,
on peut de nouveau rêver … »
Isabelle