Véronique Lecocq :« Plan d’aide à domicile : ne jamais rien lâcher ! »

Comment dire l’indignation qui saisit lorsque Véronique raconte son histoire.
LIS depuis 2004 suite à un AVC, Véronique est célibataire, sans enfants. Autant dire combien l’accompagnement d’auxiliaires de vie est primordial pour elle.

Pourtant lors du renouvellement de son plan d’aide auprès de la MDPH Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), celle-ci lui propose, sans aucune explication, de passer de seize heures à … six heures d’accompagnement quotidien. Commence alors plusieurs mois d’un parcours du combattant, de procédures juridiques en convocation au tribunal, de “pseudos“ expertises médicales en procès pour obtenir enfin quatorze heures.

Rencontre avec une personne atteinte du LIS qui n’a d’autre choix que d’être pugnace !


Dans quel contexte avez-vous obtenu votre premier plan d’accompagnement ?

J’ai 53 ans mais je suis LIS depuis décembre 2004 après un AVC bilatéral ainsi qu’un infarctus du tronc cérébral qui a nécessité plus d’un an d’hospitalisation. Célibataire, sans enfants, j’ai quand même fait le choix d’avoir mon propre logement afin de ne dépendre de personne. Je vis donc seule à domicile avec l’accompagnement d’auxiliaires de vie tout au long de la journée.

J’habite à environ 5 km du centre de Lille. Ma mère – âgée et handicapée elle-même – et mes amis sont là pour m’entourer mais chacun a sa vie et ils ne peuvent être auprès de moi en permanence. J’ai beaucoup de chance d’avoir tout ce monde qui m’entoure. Mais je suis “à la merci“ de la MDPH qui attribue le financement des aides humaines. Lors de ma première demande de plan d’accompagnement auprès de la MDPH de ma région, celle-ci m’a attribué seize heures par jour d’aides humaines. Ces aides sont indispensables pour moi car je ne peux rien faire seule même si j’ai retrouvé une toute petite autonomie (membre supérieur gauche) ce qui me permet de répondre à vos questions en tapant sur un clavier, même si cela m’a pris beaucoup de temps.

Ne pas hésiter à se faire accompagner juridiquement

Merci encore de votre témoignage. Comment votre plan a-t-il été modifié ?

A l’origine, mon parcours pour obtenir les aides humaines a été le même que pour toutes les personnes atteintes du LIS qui comme moi font le choix de vivre à leur domicile. J’ai toujours bénéficié d’un plan d’aide équivalent à seize heures par jour mais mon plan d’aide arrivant à échéance, j’ai adressé le dossier de renouvellement. C’est à cette occasion que la MDPH m’a proposé de m’attribuer désormais six heures par jour. Alors que bien évidemment comme chacun l’imagine malheureusement ma situation n’avait sous aucun aspect évolué. Et que cette diminution est synonyme d’une qualité de vie très détériorée.

Je me suis demandé s’ils se fichaient de moi et j’ai décidé de contester cette proposition que je n’oserais qualifier.

A la suite à cette première contestation, les experts de la MDPH ont revu leur proposition à la hausse (dix heures par jour) et j’ai estimé que c’était encore trop peu vis-à-vis des seize heures dont je peux assurer qu’aucune n’étaient de trop pour mon quotidien. J’ai donc contesté à nouveau.

J’ai alors été convoquée devant la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) mais ils sont restés sur leurs positions. Aussi dès le lendemain j’ai contacté une avocate spécialisée dans les litiges avec la MDPH. En ce qui me concerne j’ai demandé l’aide juridictionnelle afin d’aborder plus sereinement toute cette procédure. Heureusement que mon avocate était là pour me dire quoi faire et quand ? Normalement il n’y a pas besoin de se faire assister par un avocat mais je conseille de ne pas se lancer seul « là-dedans » sinon on risque de se faire « manger tout cru » par manque de connaissance des lois et des règlements.

Comment s’est déroulé cette procédure ??

Longue, très longue. Parce que vous entrez dans les méandres de plusieurs recours avec à chaque fois des délais à respecter pour enfin être convoquée par un tribunal qui confie une expertise à un médecin. Et là il faut avoir une sacrée dose de patience et d’abnégation. Ce médecin ne m’a même pas examinée, il s’est principalement adressé à mon auxiliaire de vie. Si je n’avais pas été là ça aurait été pareil. Il a ensuite exposé des conclusions clairement en faveur de le MDPH.

Tous les professionnels qui m’entourent m’avaient fait des attestations qui mettaient en évidence le besoin d’avoir une auxiliaire de vie en permanence. Les personnes qui m’entourent m’ont aussi écrit des courriers, mes différents médecins, ma pharmacienne et bien sûr ALIS. Aussi, je tiens à remercier ici tous ceux qui m’ont soutenue.

Car si la juge a pris un mois pour rendre sa décision elle a quand même condamné la MDPH à me rembourser les sommes engagées depuis le 1er aout 2022 à hauteur de quatorze heures par jour et m’a attribué cela pour les dix ans à venir.

Quel conseil pourriez-vous donner à la suite de cette pénible expérience?

Si un jour quelqu’un a le même genre de combat à mener, il faut bien être conscient que ça prend du temps, beaucoup de temps. Dans mon cas plus de huit mois. Sans compter qu’après il faut tout remettre en place ce qui n’est évidemment pas instantané.

La MDPH n’a donné aucune raison à la suppression de mes heures mais cela a eu pour conséquences que depuis le 1er aout je n’ai plus que quatorze heures par jour d’aide humaine. Autant dire que si je fais une fausse route et que je m’étouffe il vaut mieux que cela arrive quand il y a quelqu’un avec moi… sinon ?

Par ailleurs, il aurait fallu que financièrement je puisse payer sans savoir si le jugement serait en ma faveur et si j’allais être remboursée. Sachant qu’une heure d’auxiliaire de vie c’est 23 euros, soit environ 350 euros/jour. Je sais que, sans changement majeur de la législation, il faudra malheureusement recommencer tout ce parcours dans dix ans. Le message est donc qu’il ne faut rien lâcher face à des personnes qui n’ont aucune conscience de ce qu’un LIS vit.

Véronique Lecocq
[email protected]

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